vendredi 1 janvier 1993

Le grand voyage à pied entre Cherbourg et Montpellier


 

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C’est dans un bar à Urville.

Progressivement le monde est arrivé, après 19h30 ; ambiance détente après dîner.

Univers presque exclusivement masculin, tout le monde joue : cartes, baby-foot, billard américain…

Un des joueurs de billards, plus habitué que les autres, a disposé les boules dans le triangle. Il les sort pour les examiner et les changer de place, comme un saisonnier qui déplacerait des pèches dans un cageot.

Il y a le joueur gris à bandes fines et le noir grand à la stature anguleuse. 

La musique s’est mise en route un peu plus tard.

Un des types s’appelle Fabrice.



 

 

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Une route étroite entourée de murets parfaitement rectilignes, c’est à dire dont l’arrête n’est pas disjointe par un fossé ou seulement quelques touffes d’herbe ; au dessus du muret, cependant, les herbes folles jaillissent en abondance.

Au détour d’une rue, dans un village, s’élève une église, toute de pierres grises aux arrêtes bien vives aussi et semblant pourtant d’un âge bien avancé.

Coucher du soleil à Goury ; pas un brin de brume. Même très bas, soleil éblouissant.









 

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Le vent sur une colline au dessus de la baie d’Ecalgrain produit sur l’herbe blanche l’effet d’une eau bouillonnante avec des vagues gravissant le sommet. Me rappelle un des décors du film de Fellini, Casanova.

Lumière très crue, soleil et vent. Bruit des vagues, permanent et assourdissant.




 

 

Une famille, habillée de multiples couleurs, accompagnée de grands chiens ratisse sur la plage tous les alentours. Elle se déplace vers une mer très énervée. Un enfant, maillot noir, court dans les premières vagues ; le père, tee-shirt et short, le bouscule pour rigoler, le secoue et le fait tomber. Il veut aller plus loin, s’arrête brusquement … « Laisse-le donc, va ! ».

Ils repartent presqu’aussitôt.

J’avais déjà noté quelque chose comme cela, il y a quelques jours. J’observais dans une famille ce qui semblait être un calme plat, un bonheur très rapidement partagé, entre ce que l’on croit être les torgnoles du quotidien.




 

 

Comme hier, une grande pâleur après le coucher du soleil. Des verts Véronèse avoisinant des ocres jaunes et rouges.

Ici, une étrangeté de plus dans cette lumière de fin du jour, avec le mélange des éclairages jaunissants de la ville (pour les visions les plus proches) et l’univers bleuté de  l’approche de la nuit.



 

 

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Sous Biville, grande lande vert-olive tachetée de cratères de sable jaune de Naples. Petites collines entre lesquelles s’entrelacent des chemins vert-cru ou devenus sable.

Horizon plat, immense de la mer : deux fines îles sur l’horizon.

Les couleurs les plus pures sont les îlots roses de sable sec sur la bordure de la mer auxquels répondent quelques bleus purs, sortes de trouées dans le ciel nuageux.

Au début du coucher du soleil, avec la lumière bien blanche, en face, la marée montante fait approcher de petits résidus d’algues, paraissant noirs à contrejour, sur lesquels grouillent les puces qui suivent ce mouvement ascendant. 




 


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Les maisons sont souvent des volumes simples, ici, faits de grosses pierres grises ; les toits, de pierre parfois, ou couverts de tuiles rose-orangé ou encore de tôle ondulée rouillée, ayant un colori plus soutenu parfois que celui de la tuile.

L’ombre accentuant cet effet simplifié et suggérant plusieurs combinaisons d’ensemble selon son emplacement ou la cohabitation des différentes matières couvrant les habitations.





 

En contrebas de la falaise, des plages de galets énormes, bien ronds pour la plupart. Certaines sont humides et verts, d’autres marrons et doux comme des croupes d’ânes.
Au loin, des digues ont été faites pour protéger la centrale électrique. Ce sont des accumulations de petits volumes (ils sont en réalité gigantesques) de béton faisant penser à des pâtes ou à de petits modules en plastique. Ils font une avancée dans la mer un petit peu trop rectiligne pour paraitre vraiment naturelle.
L’effet est aigu, déchiqueté, comparé aux galets, mais l’effet serait l’équivalent d’un bon « faux » par rapport à la nature.
 






La beauté douce d’une barrière d’un bois gris, éclairci par l’usure du temps. Elle est simplement faite de planches verticales et horizontales se croisant, ayant les proportions d’un double carré séparé par une diagonale. Elle enserre une sorte de blé sauvage vert assez clair qui bouge indolemment au vent. 


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Au milieu de la plage immense, bien avant Le Carteret, en me dirigeant vers l’eau, vision de la mer, très foncée par cette lumière ensoleillée ; une bande très fine de sable me change de la vision des falaises. Elle est précédée d’aplats bleu azur et transparent, reflets des zones de sable mouillé.

Arrivé au bord, en me retournant, je perçois les dunes extrêmement pâles, le vert des tiges à peine plus foncées que le sable. Seul le ciel impose vraiment sa couleur au dessus des nuages gris clair de l’horizon.



 

 

La poste du Carteret est une espèce de cube planté au centre de la place, complètement baroque par les dessins et matériaux qui couvrent sa façade. Mélange d’ancien par sa désignation de « Poste », ses faïences et briques rouges… et de nouveau avec le logo en néon et les peintures recouvrant certaines de ses surfaces.

 

Les mats de ces bateaux sont ocre et bien qu’il n’y ait quasiment plus de lumière, ils se détachent fortement du fond bleu de la nuit. Ils sont épais et doux, dans leur ascension, tandis que les câbles fins et tendus apparaissent incisifs.

Contraste de valeurs, à l’arrière, par la présence d’un bateau gris et blanc.

A l’opposé, au cœur de la nuit noire, apparaît un voile bleu azur, l’espace d’un court instant. 





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Des millions de puces qui grouillent et sautent dans les trous ; qu’ont-elles le temps de récupérer, de manger à la vitesse où elles sautent ?

 

Au dessus de la plage, une grosse maison avec son fronton pointu « 1927 », « Hôtel de la mer et de la plage ».

 

 

Grosso-modo Denneville est d’un autre âge. Petits châteaux des pauvres des années 50, même les zones désertées, leurs végétations sauvages ont des fleurs qui sont d’un autre âge. 





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Le havre de Saint-Germain / Yay.

La chaleur sèche et le vent s’accommodent bien avec les abords du havre, séchés et devenus bleus et les touffes de tiges, pointues au sommet comme des aiguilles à tricoter, balancées maladroitement par le vent.

 

 


 

Le havre de Saint Germain est bien plus beau et panoramique que les précédents. Des étendues violettes pâles, ou jaunes, ou encore vert pâle brûlé, fermées à l’horizon par un groupement de toits rouges, blancs, rouille… émergeant d’un « touffu » presque noir.

 







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De l’ocre un peu blanchi, se faisant transparent sur des fleurs violettes suspendues, et du vert au gazon.

Par touches d’abord, puis en second plan, des plantes brunes et sèches, presque brûlées parfois jusqu’au noir.

Des bosquets dont la base est noire ferment l’horizon. Les reflets de leurs branches et de leurs feuilles sont d’un blanc éblouissant, légèrement bleuté.






 

Les clochers vus jusqu’à présent dans le Cottentin se placent parfois au centre de l’église, parfois sur le côté ou encore à l’extrémité de l’édifice. Faits de pierres pas très grosses hormis les blocs aux angles vifs qui ferment les angles.

 




A la tombée du jour… Des personnages qui étaient très en couleurs tout à l’heure (shorts, polos, chaussures claires, motifs colorés…) se sont transformés, le temps de quelques minutes, en ombres pâles.

La lune, à l’horizon, qui se lève, un peu amputée, très émouvante. Mystérieuse et plus touchante dans un sens que le soleil couchant qui semble célébrer un événement…

 


 

C’est en revenant à pied de Coutainville vers la guinguette qui a refusé de me servir que je me retrouve sur la plage, la nuit, avec la lune trop basse, derrière les dunes, pour éclairer mon chemin. Le ciel m’apparaît comme jamais, tel un globe transparent et immense au delà duquel apparaissent les étoiles.

Une lumière diffuse et étrange se pose sur la guinguette, alors que sa source, le lampadaire, m’est cachée par un bâtiment.







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Juste avant le lieu-dit La Beuverie, je déjeune dans un bar où règne une atmosphère assez vineuse, blanc ou kir à 10h00. Tous les consommateurs se connaissent ; ils ont la tête dans la prochaine kermesse.

Le curieux couple qui tient l’endroit se compose d’un homme très efféminé et autoritaire, attaché à ce que les buveurs respectent sa femme ; ils ont une petite fille mignonne aux allures de petite femme.

 




Du côté opposé à ce paysage représenté, je suis face au soleil devant une belle étendue vert-jaune, partant presque à mes pied vers un horizon foncé, bande fine de maïs aux rares et fins éclats argentés. Reste un tiers de ciel blanc-ciel, juste sous mes arcades.

Ce pré étant plutôt jaune dans sa matière épaisse laisse émerger, plus éparses, des tiges fines et poilues au sommet, ayant toutes des reflets bleu argenté et se balançant mollement au vent.

Plus rêches et plus près du sol, quelques bouquets de fleurs violettes à points noirs …

 




Une succession de toits dont l’orientation permet au soleil de m’envoyer un reflet argenté. Leurs orientations ne sont cependant pas tout à fait parallèles. C’est un délire d’arrêtes et de surfaces plus ou moins claires pouvant atteindre parfois l’aspect de l’aluminium. 

Le ciel est très clair et pourtant si l’orientation du toit permet un  reflet parfait, je veux dire un soleil large en forme de losange, les faces des cheminées alors orientées vers moi deviennent noires comme du plomb et le ciel apparait gris.

 




Coucher de soleil à Hauteville tirant tout en largeur sur l’horizon de la mer. 

Soleil que l’on peut scruter, assez rouge, et s’écrasant mollement sur un très fin reflet sur l’horizon.

Tout au loin, au sud, petits éclats de lumière sur Granville perchée sur sa falaise.

Entrée du soleil dans la mer sans ambiguïté, totalement dépossédé de son rayonnement.

 

Le toit de la maison moderne, noir sous le ciel bleu foncé et transparent.

Feu d’artifice derrière l’arbre ; alors, une famille d’une demi-douzaine de membres, tous un peu bedonnants, s’en vont, courant, vers la fête.

Retour ensuite en cortèges…



 

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Le bruit lent du vent dans le jardin entourant le musée de Dior. La villa est rose.

Grand calme des allées fermées tout autour, toutes colorées de fleurs et donnant en contrebas sur le bleu ouvert et ensoleillé de l’azur.




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Je passe, après Genêts, devant la maison délabrée que je connaissais déjà lors de mon long séjour à Saint-Jean-le-Thomas; située en face de la baie, très singulière pour sa vue magnifique et le fait qu’elle soit restée si authentique, je veux dire avec des mobylettes infernales rangées contre son mur.

La vieille se marrait en me voyant arriver et semblait parler à quelqu’un sur sa gauche que je ne pouvais pas voir…

La fille, en fait, penchée à la fenêtre du premier et qui m’a dit bonjour. Belle, vêtue très simplement, élégante.

Elle me rappelle une des conquêtes de Casanova, fille d’une misère aristocratique dans la famille de laquelle le séducteur avait rendu quelques visites.



 

 

Passage ensuite dans un chemin embourbé et boueux semé de joncs m’entourant jusqu’au visage.

En contrebas, une marre grise parsemée de faux canards d’appâts ; elle est entourée de prés salés verts (ils devraient être bleu-vert) puis étendue gris clair jusqu’à la pointe du Mont.

A gauche, la luzerne, striée de fleurs blanches ou jaunes, pointée de tiges fines plus foncées. Le ciel est blanc-bleu-gris, semblant descendre bas sous cet horizon.

 

 


 

L’auberge de jeunesse à Avranche est certainement un ancien pensionnat catholique. 

Une des deux fenêtres de la chambre ne dispose pas de volets. Celle-ci s’enfonce profondément vers la nuit, les murs sont très épais.

Cette ambiance, la petite étoile fluorescente colée au plafond, me laissent sentir le sens mystérieux et poétique que l’enfant peut accorder, dans ces conditions, à sa prière du soir orientée vers la nuit, vers le ciel alors ouvert et bleu-violet transparent.





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Pour finir, j’en vois trois, des toits en tôle ondulée, des masses monumentales prenant toute la lumière, régnant d’autorité sur le ciel bleu cobalt venu là seulement et exceptionnellement dans le dessein de devenir le serviteur de ces trois majestés.

 

 


 

Départ désolant ce matin sous la pluie alors que je tournais définitivement le dos à la baie et sentiment qu’il faudrait que mon travail commence vraiment malgré mes regrets de la mer.

Le vent s’est alors mis à souffler, puis le soleil… et une chaleur bruyante d’insectes et de rafales dans les feuillages. Multiplication des fermes, de fleurs, de pâturages, les veaux les poulains tout près des barrières, tout cela m’a laissé penser que j’étais vraiment entré dans le jardin.





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Très étonnante vue du lac de Vézin, pas plus large qu’une rivière et totalement asséché.

Cela donne un fleuve d’herbes poussant très drues, alternance de piquants gris-argenté et de tiges fines et raides, vert-cru, conduisant à un ensemble de drôles de jeux optiques que pourraient tout aussi bien produire des matières synthétiques.

Au centre, tout au long de ce lit, zigzague, en creux profond et noir, le ruisseau.

Dans ce décor évoluent de nombreuses libellules totalement bleues (corps, ailes et queue), semblant intégralement colorées de l’intérieur.

 

 



Bar-restaurant des Biards.

Deux rangées de tables alignées dont les plateaux sont peints en rouge carmin laqué, les chaises et pieds de table couleur brou de noix et bordures en noir.

Le comptoir, sur la droite, est bleu-cobalt/outremer laqué clair.

Rassurant bruit de la télé.

 

Revient à ma mémoire le bistrot-alimentation de Saint-Léonard près d’Avranches.

Le vieux avec qui j’avais discuté me racontait s’être assis sur le banc où nous étions pendant soixante années. Il m’avait parlé de la pêche dans la Sée, les gros poisson-chiens qu’ils laissaient pourrir sur la berge parce que personne n’en voulait…

 

Tout le monde se plaint du temps qu’il fait depuis mon départ de Cherbourg. Je n’ai pourtant pas cessé de marcher sous le soleil.


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A Saint-Martin de Landelles, le type qui sert au bar a dans son regard et même parfois dans l’intonation de sa voix quelque chose de Léo Ferré.

Son accent et celui des trois ou quatre types dans le coin semblent identiques pourtant et légèrement différents de celui du Cottentin.

 

 


 

A l’approche de Louvigné du Désert, curieux vallonnements désordonnés, champs de toutes les formes séparés par des clôtures bancales. Rochers énormes, arrondis et dispersés un peu partout on se sait comment.

Maison faite de tôles grises, noire à contrejour.

 

Je me retrouve attablé dans le restaurant « L’Espérance », à Pontmain, entouré de personnes assises sur des fauteuils roulants ou encore de trisomiques accompagnés par leurs familles.

Le hasard m’a fait arriver ici la veille du 15 aout, fête de la Sainte Vierge et il se trouve qu’un siècle plus tôt, la vierge Marie apparaissait dans une grange sous les yeux de quelques témoins.

A chaque table, une personne  handicapée entourée de parents souvent plus âgés. Dans ce contexte, elles apparaissent un peu comme le centre d’intérêt, l’objet possible d’un miracle qui pourrait s’accomplir.




 

 

« Demain est jour de fête et nous attendons 2500 personnes » m’a dit la gardienne du camping. Et cela m’a été confirmé par un groupe de pèlerins venus en calèche jusqu’au village. Ces derniers édifient, ce soir, un immense feu de camp fait de vieux débris de bois, aux abords du terrain de camping.

 

Bien plus tard, les pèlerins sortent de l’église avec de petites lampes en papier éclairées par des bougies. Les haut-parleurs sont sur la place. Ils hurlent un chant de messe, accompagné par l’orgue. Pendant le couplet, tandis que l’orgue continue, on entend des bruits de bouches, de papier, et ce sont en fait très peu de voix qui sont amplifiées, chantées un peu tordu comme cela se fait pendant la messe.

Ils sont réapparus par l’autre côté de l’église et je prends presque peur, dans l’obscurité, devant cette foule, sous le bruit naturel des pas amplifié par l’orgue … marche entrainant sa lumière. 















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Sous une forte chaleur, un soleil un peu lourd, des sons discrets de mouches et de criquets ; tout est bleu et vert dans la campagne précédant Chailland. Le bruit du vent est nonchalant. 

Un ensemble de petites fermes gris-bleutées (ainsi que les piquets de bois des clôtures), regroupement d’apparence pauvre, qu’on imagine habité par des vieux.

L’une d’entre ces fermes a son ampoule extérieure allumée, point blanc qui s’impose courageusement à la lumière vibrant autour.




 

 

Le hangar noir à la sortie Chailland est vraiment peint en noir. Ce n’est pas le seul effet de la tombée du jour.

Je me rappelle qu’à Pontmain, la moitié et même plus de la moitié de la population active est composée d’handicapés mentaux légers : ceux qui servaient au restaurant, ceux qui réglaient la circulation. Il s’en dégage une impression de bonheur généralisé un peu excessif, et pour ma part un intérêt particulier pour des êtres qui tombent si volontiers dans des pratiques obsessionnelles. 








Je pense à l’homme qui faisait se garer les voitures des visiteurs en criant : « En épis ! En épis ! ». Du coup elles étaient toutes parfaitement alignées. 




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Le château de Clivoy à la sortie de Chailland en surplomb, construit sur des bases rocheuses… Dont on définit mal l’époque, sorte d’amalgame de maisons hautes montées sur une muraille avec tours et créneaux.

De sa base une colline descend vers nous ; un paysan y fait de petits tas de fougère rousse. Plus loin, toujours dans son parc, les yeux se lèvent cers de très grands arbres peu large avec de très grandes feuilles. L’un bleu-vert, l’autre très clair, jaune transparent, laissant bien émerger des taches de fond bleu.

Tout est déjà dans une brume déjà chaude et ensoleillée. Seul le vent souffle encore des rafales fraîches.

 

Sur le chemin blanc crayeux, l’ombre des arbres n’est pas tellement plus grise que peut le paraître le ciel gris-bleu de journée d’aout.




 

 

Des accumulations de branches coupées ou encore les bâches de plastique noir couvrant le foin, maintenues par des ficelles tendues par le poids des rondins… me rappellent l’idée que je me fais de « l’arte povera » ainsi que mes photos d’il y a quinze sur les accumulations.




 

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En partant d’Andouillé, les gris des premières grosses maisons ne forment qu’un grand gris diffus, dans la lumière déjà chaude, avec le gris de l’église.






 

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Belle église romane, tout près de Laval, qui ressemble beaucoup à celle d’Orcival. Petites figures sculptées dans la pierre sur les piliers placés sous les voutes ou représentations de simples visages.

Et sculptures plus monumentales en bois dont un Christ très longiligne aux formes épurées.

 

Je passe devant cette ferme dont les volets, portail, portes sont peints du même rouge-brun (peut-être un apprêt d’entretien). Chaque entrée semble ainsi être signalée comme lieu de passage vers l’intérieur.

Le comble du gout est pour moi que cette couleur répétée ne soit pas la manifestation d’une recherche esthétique et que pourtant, elle ait été appliquée avec soin.

 

 



Les blés coupés, presque roux quand le soleil de 14 ou 15 heures me fait plus ou moins face… devenu presque blanc si mon regard se reporte vers l’arrière.

Ciel très rouge sur Saint Sulpice, le ciel se détachant, très noir, comme sur une carte postale.

Et les vaches beiges, en se retournant, si également pâles avec les champs qu’on les distingue à peine, couchées et bien dispersées dans tout l‘espace.

 

 


 

Retour du restaurant forcément étrange dans la nuit, glissement lent des arbres noirs. Je m’oriente grâce à la blancheur du chemin et mon sentiment d’évolution se fait par la vision du ciel, véritable source d’ouverture et de lumière.

Quelques masses avoisinant avec les hautes branches coulent, également noires ou gris foncé. Les maisons ne sont pas les moins mystérieuses de tous ces volumes rencontrés, avec leurs formes déterminées et chaque fois différentes.

Arrivée à Saint Sulpice où les réverbères donnent à chaque découpe une nouvelle apparence. Je pense à l’église ayant ses bases blanches sagement dessinées alors que le clocher resté gris et nocturne ouvre et sépare le ciel en deux moitiés.

Par deux fois il sonne les douze coups de minuit.

 





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Eglises très massives depuis La Mayenne, avec des volumes simples aux faces bien lisses, arrêtes aigues. 







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Changement radical du paysage après Soulare et Bourg en allant vers Brollay. Grande plaine après plus de cent kilomètres vallonnés.

 










Apparition momentanée, en passant à Bourg, d’une vieille femme au fond d’une petit fenêtre carrée. Elle est dans l’obscurité et sa figure, avec son tablier bleu outremer, forme un centre fin et clair, carré dans le carré, élément  beaucoup plus grand parmi les décors composant cette obscurité.

Peut-être, ce cliché s’est-il imposé à moi parce qu’il me rappelait le portrait par Giacometti de sa mère (au dessin ou en peinture ?).


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Je garde en tête ce groupe éclectique déjà aperçu hier dans lequel figurait une grande femme pleine de grâce qui portait un enfant. Elle est accompagnée d’un homme un peu plus petit qu’elle qui, aussi à sa manière, tranche dans le groupe. Ils sont tous très franchouillards, avec des accents du nord, vêtus de débardeurs, polos, shorts. Parmi eux aussi une femme aux très longs cheveux roux, maigre, un peu voutée ayant l’allure de quelqu’un d’un peu usé.

La première, la madone, est très présente dans la vie de la bande avec cependant quelque chose qui la distancie des autres, la distingue. 





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Aux abords de La Loire, les toits se couvrent de tuiles plus fines et brillantes, laissant se refléter quelques teintes bleu outremer, d’une apparence parfois comparable aux reflets du goudron lorsque qu’il fond avec la chaleur. 








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Plusieurs jours de lumière un peu brûlée, puis de la pluie, et à l’approche de la Loire une lumière enfin exceptionnelle.

Traversée d’un village avec sa rue encaissée toute en clair-obscur. Au sommet d’une côte, débouché sur un muret ou de mon point de vue ne surplombe que le ciel.

Sur ma gauche, un petit chat mort et semblant pourtant dormir paisiblement, tant son pelage est encore intact.

Une fois atteint le sommet de la côte, le petit muret me dévoile d’un seul coup la Loire immense avec ses bancs roses. C’est alors comme un rappel des derniers grands espaces ouverts, quittés il y a deux semaines aux abords du Mont-Saint-Michel, ses bancs de sable comparables, ses infinis vallonnements hésitants.