mercredi 16 septembre 1981


Hiver 81/82    Etretat –Fécamp à pied

Le vieux bonhomme retape l’aile avant de sa voiture qui coince la roue : « Merde alors ! ».
Bientôt, il pourra rouler.
L’autre range ses outils dans sa caisse rouge, près de son fourgon.


Extrait des carnets   3 dessins au stylo-bille   10x13 cms


Le fond est devenu noir, d’un coup... puis détendu, laissant aller des gris et des marrons.
Les labours, une tache noire luisante pour chasser les oiseaux secs.

Le plateau s’étendra jusqu’au bout, Fécamp peut-être.

Les mouettes, un peu. Le désordre si l’on compte tout. Et le vent…
… et la roche noire noire, tout le vert oblique dans la chute.

J’arrive près d’une maison au bord de la mer.
La vie dans cet environnement, la mer.
Ère de repos au sol, enfin, je veux dire, descendu de la falaise, au soleil ; remonter vite, conserver l’illusion du plaisir possible en bas, plus tard.




Les falaises   Acrylique sur papier   300x120cms   Octobre 1981



Le paysage me fait souvenir d’un rêve qui prenait son cadre dans un paysage de basse montagne. J’effectuais une longue marche et à un moment, je suis descendu dans un village situé dans une vallée.
Ici je descends une falaise et je me trouve au cœur d’Yport.


31 12 81, jardin des plantes (le matin)

Mélange du calme et de la tiédeur du moment avec les bruits violents de la ville.
Travaux à l’extérieur.
Difficile de définir en quoi ce qui est vu ici ou ce qui est senti ici me ramène à Paris ou me fait penser à des passages de Gide.
Il y avait une vieille femme tout près, très occupée à plier des combinaisons. Elle dégageait un violent parfum.
Les grosses feuilles de l’agave, plante du Mexique, semblent couvertes de lamelles fines ayant la même forme que la dite feuille, mais moins larges et se superposant.



4 dessins au jardin des plantes de Montpellier   Décembre 1981


Le 29, Montpellier

En passant les dernières minutes du jour à regarder le coucher du soleil de la terrasse du Pérou, j’élimine mes chances de visiter le jardin des plantes aujourd’hui.














28 12 81 Carnon, les dunes

Deux champs de vision depuis la voiture. D’un côté avec la vitre ouverte, de l’autre, à travers le pare-brise dégoulinant de l’eau de la pluie.






Promenade sous la tempête. C’était très, très, très beau.
Du pâle au bord de l’eau, des pailles d’or rouge de l’autre côté de la route.



4 aquarelles extraites des carnets   9x13cms   juin 1981



26 décembre

Des feuilles sèches, encore aux arbres.
Ruisseau au Pérou.
Dedans, sur le gravier, des feuilles coupées, toutes marron, des feuilles entières.
Des enfants deviennent adultes, sur le bassin, avec les bateaux télécommandés.
Un cyprès est coincé entre deux maisons.




Peinture   300x81cms   Novembre 1981




19 décembre
La peur, conséquence de l’expérience.
Le jeu du lapin dans le jardin avec les chats.
Le grillage séparant le chat gris et blanc et le lapin noir.

Les sapins dans les rues pour Noël.


Les deux grands-mères 1 (et 2 en cours d'exécution au sol)
Acrylique sur papier   170x140cms   Novembre 1981



18 ou 19 décembre
Trajet en camionnette jusqu’à Clamart. Grand froid et gel. De la neige. Vive la tempête.


14/12/81
Tombée de la nuit à La Ferté Milon.
De la glace partout.
Promenade au bord d’une rivière.

Les morceaux de neige dans les creux.
Soleil devant encore.

Expo chiante. Jacquet.

Cela ne sent plus le poisson dans le trou des Halles.
Café au Lyonnais.

Des drapeaux américains sur les photos.
L’autre derrière et je l’ai manquée, une fois de plus.
Les personnages défilent sur les photos : un aspect festif, ou bien militaire.

Les gens debout dans le train de banlieue, et ceux assis.






Carnet 8/12/81

Je retrouve des odeurs que je ne remarquais plus à force de promenades.

Sans cesse alternent la pluie et le soleil. Le vent est très violent.

Il faudra toujours penser à fragmenter.

La tour Effel, toute pâle dans un coin de mur et de toit, derrière la pluie, les branches nues, la brume (j’oublie la vitrine).
La nourriture dans l’assiette des autres. Une pièce dans mon assiette en plastique.

Encore dans le train, la campagne. Il pleut ; un ciel lumineux au fond.
Maintenant on est coincés, enfoncés dans les nuages noirs. Tunnel.

Exposition Takis à Beaubourg
Le public qui évolue dans le décor (boules en mouvements) et l’espace sonore contribuent à l’harmonie de l’ensemble.


Carnet Nov. 81            

Des enfants autour d’un feu de feuilles, des bien installés.
Chantilly

La vie de l’autre dans ses papiers, entourée de vaisselle.

Ça bouge fort dans le port de Dieppe. La machine qui gratte, ramone le fond, plein dans la vase, tandis que le rafiot qui la supporte évolue lentement. Et tout un peuple, à l’horizon du quai, tout noir et les mouettes suspendues tout aussi grouillantes.
Et je n’ai même pas parlé du son, monumental, tout comme l’espace Takis, à Beaubourg.
Une mémé, à deux mètres, donne du riz aux pigeons.

Tous réunis dans les pompes funèbres autour d’une table ; préparation de la noce funèbre.

Un magasin rempli de pates d’amandes et fruits confits dont les formes racontent quantités de choses.
Les odeurs folles d’épices dans la boutique d’en face.

Le minibus tout petit, tout rouge. Enserré dans les bras de laine épaisse, il va éclater du haut.
Le landau rouge aussi.

Le clodo à la clodotte : « Tu veux me laisser ton sac tranquille ?! »



Lundi 7 décembre
Un peintre qui, ne trouvant plus l'inspiration, voudrait mourir. Au moment fatal, voulant laisser une trace, il remplacerait l'habituelle lettre d'explications par des traces de peinture plein les murs. Là, il trouve une nouvelle voie qui l'inspire.
Il vivra et désormais, ses activités seront guidées par ce moment original qui doit précéder la mort.
Rester quelques secondes la gâchette prête contre la tempe, ou simplement penser que l'arme dans un coin attend.
Et le jour où ça ne vient plus, il se dit qu'il faut tirer aujourd'hui ; l'émotion revient ...

Vendredi
Etre dans un endroit inhabituel : attente...
En général, les même lieux sont visités quotidiennement, appris par coeur...





Samedi
Visite de Turner en France : les traces du travail des hommes. Sorte de catalogue de la France. Industrialisation.

Jeudi 19 novembre
Régler ma vie, l'équilibre. Un trajet de temps en temps ; pas trop. Pareil pour les cigarettes, le vin, tout, les filles aussi...

Mardi
23h. J'ai une étoile dans la lucarne.


1981   Techniques mixtes 


Aujourd'hui, aller-retour à Dieppe pour un convoyage. J'avais déjà constaté et je confirme que les trajets sont propices aux idées pour le travail.

Vendredi
Les feuilles dont les morceaux se cassent.

Mardi
Mes gencives saignent un peu, mon corps s'est renversé dans ma tête et mes yeux bouchés par trois doigts, tant mes oreilles t'ont écouté un instant...

Dimanche 8 novembre, Etretat - Fécamp.
Alors que le soleil est rouge et qu'il se couche, les gens sont sortis et les enfants, landeaux, patins à roulettes se promènent sur le quai.






Jeudi 5
Lundi, je lavais mes chaussettes. Ce qui m'a intéressé, c'est de trouver dans la chambre tous les emplacements où je pouvais les suspendre pour les laisser sécher. Ensuite, j'ai été au lavomatic pour les linges en coton. Les deux évènements successifs, l'un solitaire, l'autre moins intime pouvaient être assez riches de contacts physiques pour devenir les sujets d'une peinture.
La grande erreur a été de poser les choses ainsi : les chaussettes dispersées + le moment passé dans un endroit public = une peinture. De cette manière, on en arrive très vite à faire de la cuisine. Et ainsi, l'évènement, la mémoire des sens sont très vite balayés au profit de la confection vulgaire d'un objet. Il faudrait toujours rester disponible.
La peinture est jetée, je viens de ranger les chaussettes qui depuis ont séché ; maintenant, je suis bien plus intéressé par la discrétion avec laquelle elles ont subi ce séchage... Et la course de trois jours durant lesquels j'ai poursuivi une fausse obsession dont l'origine était devenue absente.

J'avais noté à Dieppe les paquets de tout, la semaine dernière ; nous noterons tantôt les tas, tas de cagettes bien alignées "dans un état d'écrasement" rehaussées d'une surface de cagettes "au naturel", tas de pommes en sacs alignés dans l'allée.

Mercredi
La manière de faire un geste, en peinture...
Penser à tout ce qu'il faut pour accomplir un geste.

30 10 81
Veule les roses : l'église.
L'amateurisme baroque des églises des marins (cela me ramène à la petite église de la Trinité). Les bancs encastrés, les signes sur les colonnes, quelques teintes vives sur le fond pâle.
Le buffet d'orgue en bois ; hier, à Saint Ouen, il était énorme et soutenu par des colonnes de pierre.
J'ai pris le chemin aux champignons sous le crachin : les deux premiers étaient très grands, les suivants plus petits et faits de couleurs vives et rares dans la nature. Une partie de la mer, une bande, est bleue, noire, verte. Il ne pleut plus.

Il y a des petits objets partout, je veux dire ici et là, dans des lieux précis, petits comptoirs porteurs de paquets, paquets de friandises, cigarettes, paquets de tout.
J'ai perdu beaucoup plus que je ne l'aurais du dans ma journée, du temps à attendre à l'abri de la pluie et d'argent pour de la nourriture d'épicerie alors qu'à Dieppe les boutiques sont pleines de délices accessibles.
Gide parle de lieux inexplorés dans l'immédiat qu'il n'est question que de revisiter.
Demain, j'irai à Paris. Tout de suite je retourne à Rouen. Regrets.

Dimanche 25 octobre
Magnelli "Les ouvriers sur la charrette" 1914
Je pense à mon premier livre de lecture, lors de ma toute première année d'apprentissage. La charrette et le gars qui crie "Hue" : H.U.E.

Vendredi 23
Un espace différent de celui du 9/10/81 mais tout aussi troublant dans ses rapports ciel / muraille. Le fond est noir, gris noir avec du bleu et la façade en dentelles de la cathédrale jaunie par le soleil. Les milliers d'oiseaux envolés au large, tout près du clocher forment une autre dentelle, noire avec ceux qui s'y sont posés, ainsi regroupés.

Jeudi 22
J'achète mon repas, ma nuit et mon travail. Le reste, on me le donne.

Lundi 19 octobre
Un barbu entre dans le lavomatic, sort des pièces d'un sac et les enfile dans le distributeur de lessive. Ainsi, un paquet, deux, bien plus. En sortant, il part vite vers un pont de la Seine (celui qui part de la rue de la république, je crois). Ouvrant en hâte les sachets, il enfourne tout dans sa gorge, happant, bavant, vomissant au début, un échange, va et vient continuel entre l'intérieur et l'extérieur. L'extérieur de la rambarde le happe, rejet continuel, les dessous, les dessus du fleuve ; l'eau douce, le pétrole, la lessive et la bile, seule substance...

Dimanche Abbaye
Depuis bientôt une année, dans un bassin, départ d'une rivière, l'eau semble jaillir du sable qu'elle bouscule par petits bourrelets. Cela laisse supposer que depuis des siècles ces petits monticules de sable sont en perpétuels mouvements, jour et nuit.

11 10 81
10h La journée ensoleillée s'annonce derrière la buée des carreaux. Du bleu, du jaune.

9 10 81
Dans Rouen...
J'ai vu un espace solide, tellement solide et fixe qu'il était irréel. Le soir, déjà bien gris, un ciel bleu sombre, comme celui des rois mages, juxtaposé à une bâtisse du vieux Rouen noircie par le soir et, bien moins solides, les branches restées vertes comme le jour.
L'air frais, le vent viennent me toucher de la-haut, la lucarne.
Noire, la lucarne.

Mardi 6 octobre
Je m'en vais ; on part. L'espace accroche, je m'agrippe au gag.
Le tube de l'été sort d'une fenêtre parmi les immeubles et la voix hurlante qui crie bien plus fort, plus mal, la chanson par dessus la chanson.

Mercredi 30 
La mer est goulue, la plage couverte. Il ne reste qu'un fin espace de sable sec pour se reposer avant le monticule de galets.
Elle excite les désirs et entre autres celui d'y pénétrer.

Lundi 28 septembre
Un chemin de 500 mètres aboutit à un bassin arrondi couvert de ciment, sorte de coupelle servant à abreuver les moutons. La nature, végétation, a pris pied par endroits dans cette unique forme marquant le passage de l'homme.
Les plantes sauvages suivent les cicatrices concentriques du béton.

Les jeux du soleil caché parfois par les nuages. Il est sur la ligne d'horizon, contre la montagne, et il jaunit les plants les plus proches que je puis voir, la tête baissée, sans m'éblouir.

J'ai beaucoup marché, prospecté des yeux et peu dessiné.

Dimanche 27
Je suis arrivé en février 80 à Florence. Lorsque l'on m'a déposé dans le centre ville, des enfants fêtaient le mardi-gras, couraient, déguisés, peints, faisaient éclater des pétards.
Au soleil, quatre ou cinq canes à pêche sont tendues. Hier beaucoup de vent et les jours précédents, des orages. La mer est agitée aujourd'hui malgré le beau temps.

Mercredi 23 septembre
Le chemin devient plus étroit, l'alignement des pierres arrondies plus dense et plus solide.
La maladie des plantes ; des grosseurs rouges sur quelques feuilles...comme des fleurs.

Mardi 22 septembre
A trois dans le salon aux beaux assortiments à dominante rouge de garance. Le vent violent qui mugit contre la pièce que l'on sent bien protégée de ses larges murs du 18ème siècle nous fera fermer les volets. L'intérieur est immobile ; dehors, les feuillages vibrent, les branches se courbent.
La pluie, plus forte, désordonnée.
Non pas la pluie droite et inclinée, mais des masses d'eau déplacées latéralement au cours de leur chute et des filets irréguliers soumis au même balancement sous les rigoles, au creux de l'alignement des tuiles.

Lundi 21 septembre
Lorsque fut construit Le Sastre, il est probable que le vieil Allan fortifié était déjà bâti. Cependant, l'Allan actuel a du être construit bien plus tard.

Dimanche 20 septembre
Visite du château de Grignan (gratuite par ruse).
Monte, descend, des plateformes, des pièces grandes. Toutes ne sont pas vivtées. Le plus beau, un Caravage, "le Christ au tombeau avec les anges".
Tonton et tata, ils mangent de la soupe à 18h30. Le gros chien marron va et vient entre la cuisine et la véranda où nous sommes : "Le cancer, la mort, la mémé chez les vieux, le fils neuro-psychiatre, le divorce de maman...".
Ils nous raccompagnent à 19h30.

Jeudi 17 septembre
Le gosse à Neily, tout petit et bleu, est rentré dans l'appartement, pendu au bout des doigts de maman, grande, blanche. L'appartement, le fond est pâle.
La campagne seulement, rien de spécial ; les yeux cherchent partout dans les mauvais moments.






Mercredi 16 septembre
Pic Saint Loup à 8 h, le soir ; la tombée du jour, rouge au fur et à mesure que je monte. Les champs du bas sont roses. Hier à la mer, le matin, tout était bleu, ce qui est rare dans la région.
(ombres floues des pilonnes, la nuit en moto)
Assas Minuit. Le château vide et rapé au dedans ; seul, le son des clavecins est en bon état.
La chambre de Max plus baroque que lui ; les innombrables orgues et photos au mur et au milieu, en couleur, une photo de Sheila.